Banque et Assurance : la commercialisation auprès des seniors

Les régulateurs financiers (AMF et ACPR) viennent de publier un rapport sur les pratiques de commercialisation à l'égard des populations âgées. Cette étude rend compte des impacts du vieillissement sur la décision financière et du cadre juridique existant pour la protection des seniors. Le Pôle commun lance une consultation publique en vue de recueillir des informations sur les pratiques pour apporter des solutions à ce sujet délicat.

Vulnérabilité des personnes âgées

L'ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) et l'AMF (Autorité des Marchés Financiers) ont engagé une démarche commune visant l'amélioration de la protection des populations vulnérables. Depuis 2016, les deux autorités mènent l'enquête auprès des établissements financiers et des mandataires judiciaires pour observer les pratiques commerciales en matière de crédit, assurances et produits d'investissement à l'égard des personnes protégées, notamment des personnes âgées. Les travaux ne concernent pas les problématiques d'abus de confiance ou d'abus de faiblesse qui ne relèvent pas du champ de compétence de l'ACPR et de l'AMF ; ils portent sur le relation clients seniors et conseillers ou intermédiaires financiers dans le but de prévenir les mauvaises pratiques de commercialisation et de protéger les personnes âgées face aux pratiques frauduleuses ou simplement inadaptées. 

Dans le rapport, la commercialisation de produits financiers définit tout acte lié à la commercialisation, depuis la contractualisation du produit à la clôture du contrat. La population étudiée est celle des seniors de plus de 65 ans, déjà en retraite. Le seul critère de l'âge ne suffit pas pour présumer d'une vulnérabilité. Les deux autorités ont cherché à mieux comprendre le processus de vieillissement et ses conséquences sur la capacité de décision financière. Comment les professionnels du secteur financier appréhendent les relations commerciales avec les personnes âgées compte tenu de leurs obligations de protection de la clientèle (devoir d'information et de conseil) ? Comment protéger les intérêts de ces personnes quand leur capacité à contractualiser est altérée ? Se pose également la question de l'adaptation des outils numériques à une population vieillissante.

Risques rencontrés lors de la commercialisation de produits financiers aux clients seniors

Le rapport identifie plusieurs risques principaux au premier rang desquels l'inadéquation et la mauvaise commercialisation des produits financiers aux seniors :

  • investissements ou achats inadaptés au profil du client (taux d'emprunt élevé, ventes liées, vente de produits non transmissibles, etc.)
  • fraude financière par un conseiller financier 
  • affaiblissement de la compréhension financière et contractuelle du client, ce qui va affecter le processus décisionnel
  • vente de produits complexes
  • difficulté du client à suivre ses affaires personnelles et à protéger ses propres intérêts, ce qui peut engendrer un risque de renoncement à des produits assurantiels indispensables ou obligatoires (assurance santé, assurance habitation ou auto)
  • affaiblissement de la vigilance du client âgé, ce qui facilite le démarchage à domicile frauduleux
  • risque de maltraitance financière par les proches de la personne âgée.

Mesures de protection des personnes âgées

Le rapport indique 2 solutions réglementaires existantes pour protéger les intérêts de la personne âgée qui n'est plus en mesure d'effectuer seule ses démarches financières :

  • la procuration : le titulaire d'un compte autorise un tiers de confiance à le gérer. La procuration peut être générale ou limitée à certains types d'opérations, à un certain montant ou dans le temps.
  • le mandat de protection future : la personne âgée désigne à l'avance un ou plusieurs mandataires qui auront la charge de prendre les décisions la concernant et de gérer son patrimoine au cas où ses facultés se détérioreraient ou elle serait hors d'état de manifester sa volonté.


Peu connu du grand public et peu utilisé, le mandat de protection future peut être rédigé sous seing privé sans intervention du notaire pour les actes conservatoires ou par acte notarié quand des pouvoirs plus larges sont conférés au mandataire. Il s'active uniquement après la constatation par un médecin spécialisé de l'altération des facultés de la personne âgée. Le mandant pourra opérer après vérification du mandat et du certificat médical par le greffe du tribunal d'instance.

Au sein des établissements financiers et d'assurance, l'obligation professionnelle d'origine prudentielle joue un rôle majeur dans la prévention des situations de vulnérabilité. Dans sa recommandation 2013-R-01 portant sur l'assurance vie, l'ACPR préconise d'ailleurs de vérifier l'âge du client, ses objectifs de souscription et la finalité de son investissement, tout en alertant le client sur les réponses incohérentes. Avec les nouvelles contraintes réglementaires issues de la directive européenne (DDA), les intérêts du client sont désormais au cœur de l'acte commercial. La fourniture du service de conseil est davantage encadrée afin d'éviter toute commercialisation non-nécessaire ou inadaptée. Cette nouvelle approche centrée sur le consommateur concerne tous les types de clientèle, mais permettra sans doute de mieux prendre en compte les spécificités des seniors.


réf/rapport AMF-ACPR sur les pratiques de commercialisation à destination des populations vieillissantes





Par , le lundi 17 décembre 2018