Comment Amazon et les autres géants du web menacent le secteur de l'assurance

L'entrée par la petite porte du géant Amazon dans le domaine de l'assurance française est le premier signe d'une menace jusque là latente. Réunis le 26 octobre à Paris lors de la 10ème Conférence Internationale de l'Assurance, les professionnels ont soulevé bon nombre d'interrogations sur un environnement en pleine évolution. Si chacun s'accorde à dire que le climat est le risque le plus grave pour notre planète et nos sociétés, le digital fait planer une menace tout autant pernicieuse.

Partenariat Amazon Pay et Aviva France

Depuis le 25 octobre dernier, Aviva France propose à ses clients de payer leurs contrats d'assurance auto et habitation via Amazon Pay, un service de paiement simple, rapide et sécurisé, lancé par le géant américain il y a un an (38 millions d'utilisateurs dans le monde). La filiale hexagonale du britannique Aviva est le premier assureur français à adopter cette solution pour simplifier le parcours client. Il suffit au client Aviva déjà client Amazon de saisir son identifiant et son mot de passe lors de la commande pour souscrire et payer en ligne sans besoin de créer un nouveau compte.

Cette solution innovante permet à Aviva France de prendre un avantage concurrentiel pour nourrir ses ambitions de croissance. Pour Amazon, cette initiative sur le marché français démontre sa volonté d'investir un nouveau secteur lucratif : l'assurance. Après l'Asie, le marché de l'assurance européen occupe la deuxième place du marché mondial, devant l'Amérique du Nord. 

L'assurance, la nouvelle frontière pour Amazon, Google et Rakuten

Le géant du tech n'en est pas à son premier coup d'essai sur le vieux continent. En Allemagne, les utilisateurs d'Echo peuvent souscrire une assurance maladie avec l'assistant vocal. Il se murmure qu'Amazon souhaite lancer un site comparateur de tarifs d'assurance au Royaume-Uni. Les États-Unis sont aussi une terre de conquête pour l'entreprise de commerce électronique : en début d'année, elle a noué un partenariat avec JP Morgan et Berkshire Hathaway pour créer une société destinée à faire baisser les coûts d'assurance maladie de leurs employés américains.

Que fait l'ogre Google ? Après l'échec de son site de comparaison d'assurance auto (Google Compare), Alphabet, la maison-mère de Google, a misé massivement dans l'insurance tech, entrant dans le capital de plusieurs start-ups américaines de l'assurance comme Lemonade (habitation) ou Oscar Health (santé). Le secteur asiatique de l'assurance est convoité quant à lui par le Japonais Rakuten et par le Chinois Ant Financial, la plus grosse fintech au monde, dont la maison-mère est Alibaba. 

Les Gafa, menace réelle pour l'assurance ?

Le grignotage de l'assurance par les plus grandes entreprises digitales suscite les inquiétudes des professionnels du secteur. Si le climat constitue pour tous le risque le plus grave comparé aux risques liés à la démographie ou à la sécurité, l'arrivée des Gafa sur leurs plates-bandes les oblige à s'interroger sur les évolutions du monde. La technologie numérique rend les frontières entre les secteurs de plus en plus poreuses. Plutôt qu'une attaque frontale, les géants du web jouent les pique-assiettes sur un buffet gargantuesque de quelque 4 500 milliards d'euros dont près de 1 200 milliards pour l'Europe (chiffres 2018). La croissance annuelle tourne autour de 3%, dopée par l'assurance dommages et l'assurance vie. Focalisés sur le "tsunami réglementaire", à savoir la directive européenne Solvabilité 2, les assureurs auraient-ils sous-estimé la menace représentée par les Gafa, comme s'interroge Jacques de Peretti, le PDG d'AXA ? Cette nouvelle régulation n'a pas intégré le fait que de nouveaux opérateurs pouvaient attaquer l'assurance par petits bouts, leur permettant de s'y soustraire. 

L'échec récent de Google Compare est pourtant la preuve que la firme de Mountain View a rapidement été confrontée aux contraintes réglementaires. En voulant se déployer dans plusieurs pays, Google s'est heurté aux caractéristiques propres à chaque marché. La comparaison d'assurances est une affaire d'experts : les clients ne s'y sont pas trompés, préférant les spécialistes aux généralistes.





Par , le vendredi 9 novembre 2018