L'ouragan Irma, catastrophe naturelle la plus coûteuse de l'histoire de l'assurance

Les récentes inondations dans l'Aude ont engendré pour 200 millions d'euros de dégâts pour 16 000 sinistres déclarés selon les estimations des assureurs. C'est beaucoup et pourtant peu comparé à l'ouragan Irma qui a ravagé les Antilles le 6 septembre 2017 : son coût total atteint 2 milliards d'euros selon la FFA. Mis en place en 1982 pour pallier une carence de couverture des risques naturels, le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles ou Cat-Nat tel qu'il est connu en France métropolitaine s'applique différemment dans les territoires d'outre-mer. Les assureurs réclament une réforme du dispositif, ainsi qu'une amélioration des mesures de prévention.

Irma : l'ouragan hors normes

Avant d'aborder l'aspect comptable, rappelons que l'ouragan Irma qui a frappé une dizaine de territoires il y a un an, tout particulièrement les Antilles et la Floride, a coûté la vie à 134 personnes dont 12 sur les îles françaises de Saint-Barthélémy et Saint-Martin. Classé en catégorie 5 durant plus de 70 heures, Irma est le cyclone tropical de cette intensité le plus long jamais enregistré dans le monde par les services météorologiques. La vitesse maximale des vents a atteint près de 300 km/h. 

Selon la Fédération Française de l'Assurance (FFA), Irma est l'événement climatique le plus coûteux de l'histoire de l'assurance française outre-mer avec 1,9 milliards d'euros pour 25 600 sinistres déclarés. Aux États-Unis, où le monstre a fait 90 victimes, les dommages assurés sont estimés autour de 50 milliards de dollars.

Irma : une indemnisation compliquée

Un an après le passage du cyclone, 95% des dommages ont été indemnisés en totalité ou en partie, mais le taux d'indemnisation versé par les assurances ne dépasse pas les 67% du coût total estimé, soit 1,26 milliards d'euros. Hors sinistres de copropriétés, le niveau d'indemnisation atteint 73% du coût total estimé, et grimpe à 91% pour les hôtels, ce qui va permettre de rétablir l'activité touristique, ô combien vitale pour les îles. 

L'indemnisation se révèle complexe et les délais particulièrement longs en dépit de procédures engagées dès que la situation sur place l'a permis. A Saint-Martin, l'île la plus touchée, seuls 40% de la population était assurée. Le taux de non-assurance aux Antilles est évalué autour de 50%. Outre les délais "normaux" dus au processus même d'indemnisation (expertise, accord entre les parties), l'assureur Generali fait état d'une problématique multifactorielle directement liée à l'insularité des territoires touchés. Les autorités locales ont insisté pour que les travaux de reconstruction soient effectués par des entreprises du cru, avant d'élargir l'accès à des entreprises extérieures. Les compagnies ont dû par ailleurs faire face à des problèmes administratifs d'authentification des titres de propriétés et d'identification des propriétaires, notamment dans les montages locatifs qui concernent principalement les copropriétés.

Le régime Cat-Nat, mécanisme de solidarité nationale

Sans le recours à la solidarité nationale organisé par le régime spécial d'indemnisation dit "Cat-Nat", la présence des compagnies d'assurance sur des territoires frappés par des aléas climatiques dont le risque va croissant (plus forts, plus fréquents) pourrait légitimement être remise en cause. Instauré en juillet 1982 après une années de fortes inondations, ce dispositif mutualise, grâce à un partenariat public-privé, la réparation des dommages liées à des risques encore mal connus, réputés non assurables du fait de leur caractère exceptionnel sur une fraction du territoire. Pilier de l'édifice, la Caisse Centrale de Réassurance (CCR) : elle offre aux assureurs un second vecteur de mutualisation, sans pour autant disposer d'aucun monopole de la réassurance des catastrophes naturelles.

Jusqu'ici le régime Cat-Nat a permis d'indemniser les sinistrés de manière efficace et équitable. Dans son rapport d'activité 2017, la CCR rappelle tout l'intérêt du dispositif et affirme que les réserves accumulées dans le passé et les produits financiers dégagés par le portefeuille de placements permettraient de couvrir à l’avenir une catastrophe d’un coût total de 4,5 milliards d’euros sans faire appel à la garantie de l’État.

Il n'empêche, la recrudescence des phénomènes climatiques, couplée à leur amplification, nécessite la modernisation du système pour améliorer la gestion des risques et de leurs coûts, et garantir également sa pérennité. Les assureurs ont déjà fait des propositions aux pouvoirs publics. Ils demandent notamment que le régime Cat-Nat prenne en charge les frais de relogement, et que de nouvelles mesures de prévention soient mises en œuvre, car une plus grande responsabilisation des populations exposées est aujourd'hui indispensable.






Par , le vendredi 2 novembre 2018