Réforme du courtage et vente de contrats à distance

La réforme du courtage a été inscrite dans la loi Pacte, mais son entrée en application est repoussée d'un an suite à la censure du Conseil Constitutionnel. En dépit de ce rejet formel et d'un calendrier bousculé, ce dispositif très attendu d'autorégulation de la profession verra le jour et permettra d'accompagner les courtiers dans le respect des nouvelles réglementations (DDA et RGDP), mais beaucoup y voient une façon de les mieux contrôler. Cette prérogative appartient pour l'heure à l'ACPR qui vient de sanctionner un cabinet de courtage ayant manqué à son obligation d'information en matière de vente à distance.

Retard à l'allumage pour la réforme du courtage

La loi Pacte (Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises) a été adoptée définitivement par la Parlement le 11 avril dernier. Le texte vise à "donner aux entreprises les moyens d'innover, de se transformer, de grandir et de créer des emplois", une ambition porteuse de changements en profondeur pour le domaine du courtage. Le Conseil Constitutionnel a validé le projet de loi, qui a été promulgué le 24 mai dernier, mais retoqué une quinzaine d'articles au motif qui n'avaient pas leur place, dont celui relatif à la réforme du courtage qui prévoyait la création d'associations représentatives à adhésion obligatoire pour les courtiers en assurance (dès janvier 2020) et pour les courtiers en crédit (dès janvier 2021). L'article 207 étant considéré comme un cavalier législatif, l'exécutif doit trouver un nouveau véhicule pour faire passer le projet de réforme de la profession auquel il tient tant. Le texte pourrait être intégré dans le projet de loi de finances 2020, faire l'objet d'une proposition de loi ou d'une ordonnance. La mise en œuvre de l'autorégulation du courtage est donc repoussée d'un an, un mal pour un bien selon certaines associations représentatives qui comptent mettre à profit ce report pour peaufiner ce nouveau dispositif et mieux négocier avec le Trésor les points litigieux. Que prévoit cette réforme du courtage ?

Autorégulation du courtage, une réforme qui fait débat

Cette réforme vise à introduire une forme d'organisation de la profession de courtiers (intermédiaires en assurance, banque et services de paiement). Elle imposera de nouvelles obligations et de nouvelles pratiques de la profession à l'horizon 2021 si une issue législative est trouvée. Le but est de mieux structurer un secteur qui compte quelque 24 000 courtiers en assurance, 22 000 mandataires et 30 000 courtiers en crédit. Si encadrer et surveiller l'activité des courtiers semble faire l'unanimité au sein de la profession, la manière d'y parvenir, en revanche, beaucoup moins. La pierre angulaire de cette réforme est l'adhésion obligatoire des courtiers à des associations représentatives pour pouvoir être immatriculé à l'Orias, le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance. A ces associations agréées, l'ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) délèguera des missions de service public de conformité, tels l'encadrement d'accès au métier, la formation professionnelle ou la médiation auprès des courtiers en infraction avec les bonnes pratiques. C'est sur ce dernier point que le bât blesse : les associations ne veulent pas devenir "le bras armé" de l'ACPR, certaines estiment en effet qu'un tel pouvoir disciplinaire de radiation est une prérogative qui empiète sur celle de l'APCR et de l'Orias. La CSCA (Chambre Syndicale des Courtiers d'Assurances) a indiqué au Trésor qu'elle sera attentive "à ce que le texte final soit conforme à l’esprit initial de la réforme et de la loi, à savoir que les associations auront vocation à accompagner avec bienveillance leurs adhérents, à augmenter leur niveau de compliance (ndlr : conformité d'une opération avec la réglementation) sans toutefois introduire in fine une forme de contrôle externalisée. Les missions de service public peuvent être remplies sans devoir atteindre cet extrême". Même son de cloche du côté de la FG2A qui rappelle que l'objectif de ces associations est d'"accompagner les courtiers, non les contrôler".

La vente de contrats à distance dans le viseur de l'ACPR

Le contrôle, en voici un exemple concret commis par l'ACPR. Le 15 mai dernier, l'organe français de la supervision de la banque et de l'assurance a sanctionné la société Provitalia d'un blâme et d'une amende de 20 000€ pour manquement à son obligation d'information. À la suite d'un contrôle sur place, le courtier en assurance spécialisé dans la vente à distance de garanties complémentaires et sur-complémentaires santé s'est vu appliquer une procédure disciplinaire au motif qu'il avait dérogé à l'obligation d'information qui s'impose à tout intermédiaire d'assurance. Avant la conclusion du contrat, par écrit ou sur un autre support durable, le courtier doit fournir un certain nombre d'informations sur le produit d'assurance proposé (article L.112-2 du Code des Assurances) :

  • fiche d'information sur le prix et les garanties
  • projet de contrat et ses pièces annexes ou notice d'information sur le contrat décrivant précisément les garanties assorties des exclusions, ainsi que les obligations de l'assuré.


L'assureur ou intermédiaire bénéficie toutefois d'une dérogation à cette règle (article R.521-2 du Code des assurances), lorsque le contrat est conclu à la demande du client via une technique de communication à distance ne permettant pas la transmission de ces informations précontractuelles et contractuelles (par téléphone par exemple) ; le distributeur peut alors se contenter de les transmettre immédiatement après la conclusion du contrat, toujours sur support durable.

Dans le cas présent, l'article R.521-2 du Code des assurances ne s'applique pas. L'ACPR a estimé que le courtier ne pouvait se prévaloir de cette dérogation, étant à l'initiative de l'appel téléphonique. Dans l'hypothèse d'un démarchage à l'initiative d'un assureur ou d'un intermédiaire, le régime dérogatoire ne peut s'appliquer.

Par , le jeudi 6 juin 2019